Document de principes
Affichage : le 6 octobre 2017 | Reconduit : le 8 février 2024
L’utilisation du tabac à des fins rituelles et le tabagisme chez les enfants et les adolescents autochtones du Canada, Comité de la santé des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Paediatr Child Health 2017;22(7):400–405
Le tabac est sacré dans bien des cultures autochtones, mais la consommation de tabac commercial à des fins récréatives est nuisible et hautement toxicomanogène. Le tabagisme est la principale cause évitable de décès prématuré dans le monde. Le taux de tabagisme chez les jeunes Autochtones est au moins trois fois plus élevé que chez leurs homologues non autochtones, ce qui représente une statistique alarmante à plusieurs égards. Les ravages d’une forte consommation de tabac sur la santé varient entre un taux démesurément élevé de mortalité et de morbidité et un lourd fardeau socioéconomique pour les communautés autochtones. Les dispensateurs de soins pédiatriques sont dans une position idéale pour collaborer avec des intervenants communautaires afin de prévenir et de traiter le tabagisme chez les jeunes et leur famille, tout en comprenant la valeur culturelle du tabac pour de nombreux peuples autochtones. Des interventions ciblées peuvent avoir des répercussions positives sur la durée et la qualité de vie, améliorer la santé globale et réduire les immenses coûts sociaux et humains liés au tabagisme.
Mots-clés : Aboriginal; Children; Indigenous; Smoking ; Tobacco; Youth
Le terme « tabagisme » désigne la consommation de cigarettes, de cigarillos, de tabac à pipe, de tabac à chiquer, de tabac à priser et de cigarettes électroniques à des fins récréatives, mais n’englobe pas l’utilisation du tabac qu’en font les peuples autochtones à des fins médicinales et rituelles.
Le terme à privilégier pour désigner collectivement les peuples des Premières nations, inuits et métis est matière à débat. Les auteurs conviennent que ces populations sont distinctes, mais soulignent les similarités de leurs réalités et de leurs pronostics de santé. Dans la mesure du possible, des données précises sont fournies pour chaque population. Dans le présent document de principes, le terme « Autochtone » désigne les trois groupes.
L’utilisation de tabac sacré et la consommation de tabac commercial à des fins récréatives, particulièrement la cigarette, n’ont ni les mêmes objectifs ni les mêmes fonctions.
Les peuples des Premières nations utilisaient le tabac à des fins médicinales et rituelles avant leur contact avec les Européens. Le tabac est offert et brûlé dans le cadre de cérémonies pour établir un lien direct avec le monde spirituel. Lors de l’utilisation traditionnelle du tabac, l’inhalation est minime [1]. En revanche, la consommation de tabac commercial à des fins récréatives, qui consiste à inhaler la fumée de produits commerciaux à forte concentration en nicotine et en additifs toxiques, est toxicomanogène et nuisible. Les Aînés des Premières nations soutiennent que la consommation de tabac à des fins récréatives dénote un manque de respect envers la tradition. Lors des cérémonies, l’Assemblée des Premières nations préconise l’utilisation du tabac traditionnel, Nicotiana rustica, et non des tabacs commerciaux, tels que les cigarettes [2]. L’utilisation de tabac commercial à des fins rituelles sèmerait la confusion dans l’esprit des enfants et des adolescents.
Certains peuples des Premières nations n’utilisent pas le tabac à des fins traditionnelles. C’est le cas, par exemple, des communautés de la Colombie-Britannique. Le tabac ne fait pas davantage partie des traditions inuites. En fait, les Inuits ont commencé à utiliser le tabac il y a seulement une centaine d’années.
Les professionnels de la santé qui travaillent auprès de communautés autochtones doivent tenir compte de l’importance du tabac à des fins rituelles et des conséquences de la consommation de tabac commercial dans les familles qui les consultent.
Au Canada, en 2012, 11 % des adolescents de 15 à 19 ans étaient fumeurs [3]. Les taux de tabagisme demeurent alarmants chez les jeunes Autochtones du pays, mais déjà à l’époque, 31 % des jeunes Métis étaient fumeurs, de même que 33 % des jeunes des Premières nations et 56 % des jeunes Inuits [4][5]. Au Nunavut, ce taux passe à 65 %. Le taux de tabagisme global a diminué chez les jeunes Canadiens, passant de 25 % en 1985 à 11 % en 2012, mais pas chez les jeunes Autochtones du Canada, particulièrement chez les filles. Ainsi, l’écart se creuse dans les comportements liés à la santé [3][5][6]. Malgré la fréquence croissante de tentatives d’abandon du tabac, le taux de tabagisme demeure considérablement plus élevé chez les jeunes Autochtones que chez leurs homologues non autochtones [7].
Les Autochtones du Canada commencent à fumer à un âge moyen de 12 ans, soit plusieurs années avant les autres Canadiens (qui, en moyenne, commencent à 19 ans) [3][5][6]. L’initiation du tabagisme dès un jeune âge s’associe à un risque plus élevé de dépendance à la nicotine [8][9].
L’influence des parents et des amis est un facteur primordial de tabagisme chez les enfants et les adolescents. Les jeunes sont particulièrement influencés par leur entourage. De plus, ils ne peuvent pas accéder aux produits légaux du tabac à moins qu’une personne plus âgée ne leur en achète. Des recherches réalisées en collaboration avec des groupes de discussion composés d’adolescents autochtones de l’intérieur de la Colombie-Britannique ont révélé que la famille joue un rôle important dans l’initiation des adolescents au tabagisme [10]. Selon l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes, 82 % des fumeurs de la 6e à la 9e année ont déclaré obtenir leurs cigarettes d’amis, de membres de leur famille et d’autres sources de leur cercle social (11). La facilité d’accès aux cigarettes et un meilleur ami fumeur sont deux puissants prédicteurs de tabagisme chez les jeunes [6]. En revanche, les jeunes Autochtones qui vivent dans un environnement familial où personne ne fume et où ils profitent d’un soutien affectif et social sont beaucoup plus enclins à ne pas se mettre à fumer [5][6][12].
Le taux élevé de logements surpeuplés, conjugué à un taux global élevé de tabagisme dans les foyers autochtones, s’associe à un nombre élevé de fumeurs à la maison et à la normalisation des comportements tabagiques, ce qui accroît la probabilité que les enfants et les adolescents exposés au tabagisme deviennent eux-mêmes fumeurs [13].
Le tabagisme s’associe à d’autres comportements toxicomanogènes, tels qu’une forte consommation d’alcool et une participation marquée aux jeux de hasard, tous deux plus prévalents chez les jeunes Autochtones que chez leurs homologues non autochtones [6][14].
Les troubles de santé mentale sont également d’importants facteurs de risque de dépendance. Les jeunes qui présentent un score de dépression élevé sont plus vulnérables au tabagisme. Le manque d’estime de soi, le stress, l’ennui et le faible rendement scolaire contribuent tous à l’initiation du tabagisme chez les enfants et les adolescents autochtones [15]. Une étude auprès des jeunes des Premières nations de Saskatoon a révélé qu’une vie malheureuse à la maison et l’idéation suicidaire étaient des indicateurs de risque indépendants du tabagisme. Ce constat prend tout son sens dans des régions comme le Nunavut, où le taux de suicide atteint jusqu’à 11 fois la moyenne nationale [12].
Il sera essentiel d’accepter le rôle des traumatismes affectifs et de la colonisation sur l’apparition des dépendances et de s’y attaquer pour pouvoir réduire le taux de dépendance au tabac chez les peuples autochtones.
Le tabagisme est plus élevé chez les personnes pauvres et sans emploi. Le taux de chômage est élevé chez les peuples autochtones, où il atteint 13,9 % par rapport à 8,1 % chez les peuples non autochtones. De plus, on constate un écart médian de 30 % entre le revenu des populations autochtones et celui des autres Canadiens [5].
Le tabagisme pendant la grossesse accroît le risque de mortalité périnatale, de prématurité, de petit poids à la naissance, d’anomalies congénitales, telles que le gastroschisis, et de mort subite du nourrisson (MSN). Le tabagisme s’associe également à un plus petit volume de lait maternel et à un allaitement de moins longue durée. Il accroît le risque de troubles du comportement et de faible rendement scolaire chez les enfants. Tous ces problèmes sont plus fréquents chez les Autochtones que dans le reste de la population [9][16].
Au Nunavut, de 60 % à 80 % des femmes enceintes affirment fumer pendant leur grossesse, ce qui représente un taux cinq fois plus élevé que la moyenne canadienne. Le Nunavut présente également le taux le plus élevé de nouveau-nés prématurés et de petit poids au Canada [15]. Dans une étude effectuée dans le Grand Nord du Québec, 92 % des femmes ont déclaré fumer pendant la grossesse [17]. Au Manitoba, 61 % des femmes autochtones ont affirmé la même chose, comparativement à 26 % des femmes non autochtones [18][19].
Au Canada, les enfants autochtones sont plus souvent exposés involontairement à la fumée secondaire à la maison et dans les voitures que l’ensemble des jeunes Canadiens (37,3 % par rapport à 19 % et 51,0 % par rapport à 30,3 %, respectivement) [16]. Par conséquent, ils sont plus à risque de maladies respiratoires, d’otites moyennes, de MSN, de cancers, de déficits neurocognitifs et de troubles du comportement [13]. Une étude menée au Nunavut sur la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments a révélé que la ventilation limitée et les logements surpeuplés étaient fortement liés aux taux d’infection des voies respiratoires inférieures. Il y avait des fumeurs dans 94 % de ces ménages, et la concentration de nicotine dépassait le taux moyen dans le quart des logements à l’étude [20].
L’exposition à la fumée du tabac, particulièrement si elle est produite par l’un des parents, s’associe à une plus grande prévalence d’otite moyenne, qui est une cause importante et évitable de perte d’acuité auditive pendant l’enfance [13]. Dans le monde, les enfants autochtones affichent la plus forte prévalence d’otite moyenne et de déficit auditif. Dans certaines communautés autochtones du Grand Nord, le taux d’otite moyenne est même 40 fois plus élevé que dans les régions urbaines du Sud [21]. De plus, l’exposition à la fumée secondaire accroît considérablement le risque d’infection invasive à méningocoque pendant l’enfance [22].
Les populations autochtones du Canada présentent un taux de mortalité infantile trois fois plus élevé que les non-Autochtones, surtout attribuable à la MSN [23]. Les chercheurs ont déterminé avoir accumulé assez de preuves pour présumer une relation de cause à effet entre l’exposition à la fumée secondaire et la MSN. Le partage du lit, les taux d’infection élevés et le faible taux d’allaitement y contribuent également, mais selon toute vraisemblance, le tabagisme y joue un rôle important [8].
Les populations autochtones d’Amérique du Nord affichent une prévalence accrue de cancers, de maladies cardiovasculaires et de diabète de type II, qu’on croit attribuable à l’adoption d’habitudes et de modes de vie occidentaux, y compris le tabagisme. Selon une étude effectuée dans le nord-ouest de l’Ontario, il y a un lien entre le taux de tabagisme élevé des adolescents autochtones de 15 à 19 ans et l’augmentation de la pression artérielle et des taux d’homocystéine, tous deux indicateurs des effets précoces de cette habitude [24].
Tout comme les maladies cardiovasculaires, le cancer est une cause importante de décès au sein des populations autochtones [5]. Les Inuits du Canada présentent le plus fort taux de cancer des poumons dans le monde [25].
La probabilité que les fumeurs de longue date meurent d’une cause liée directement ou indirectement au tabagisme est de une sur deux. Ils perdent en moyenne 22 années d’espérance de vie. Chez les jeunes adultes autochtones, le risque de décès prématuré attribuable à une cause liée au tabagisme peut atteindre 50 % (26). Dans les populations des Premières nations de la Colombie-Britannique, jusqu’à 8,3 % des décès de nourrissons auraient peut-être pu être évités si le tabagisme avait été éliminé des ménages, comparativement à 1,4 % de tous les décès de nourrissons au Canada [6].
D’après le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les coûts de santé directs liés au tabagisme s’élèvent à plus de 4,3 milliards de dollars par année [27]. Le fort taux de dépendance et de pauvreté dans les communautés autochtones, qui est exacerbé lorsque les fumeurs détournent leurs économies pour s’acheter du tabac, a des répercussions profondes sur la société et les individus (la perte de productivité en étant l’un des nombreux exemples).
Des dispensateurs de soins qui, lors des rendez-vous, s’informent de la consommation de tabac de chacun et qui transmettent des messages forts contre le tabagisme peuvent contribuer à convaincre les enfants et les adolescents de ne pas se mettre à fumer. Il est démontré que les conseils sont efficaces pour traiter les fumeurs adolescents. Beaucoup plus de recherches s’imposent toutefois dans ce domaine. Le modèle des cinq étapes pour modifier le comportement fournit une séquence de mesures fondées sur des données probantes (s’informer, conseiller, évaluer, aider, planifier) que le clinicien peut adopter en première ligne pour favoriser la prévention et l’abandon du tabagisme.[28][29]
Les thérapies de remplacement de la nicotine (TRN), telles que les timbres transdermiques et les gommes à la nicotine, ne sont recommandées que pour les fumeurs réguliers. Le buproprion et la varénicline sont à la fois sécuritaires et efficaces chez les adultes, mais doivent être utilisés avec prudence chez les adolescents [30]. Le comité de la santé de l’adolescent de la Société canadienne de pédiatrie a publié des conseils particuliers sur la promotion de l’abandon du tabac et la prévention du tabagisme dans ce groupe d’âge [31][32].
Les jeunes Autochtones trouvent particulièrement difficile d’arrêter de fumer lorsque leurs parents ou leurs frères et sœurs sont fumeurs, et ils ont indiqué que le soutien familial représente un facteur important pour les encourager à cesser de fumer [6]. Les dispensateurs de soins peuvent trouver plus efficace d’aborder le tabagisme dans un contexte familial, en insistant auprès des parents sur les effets néfastes de l’exposition à la fumée secondaire et en leur fournissant des ressources et des traitements pour qu’ils arrêtent de fumer. La plupart des parents qui fument (85 %) jugent acceptable que le pédiatre de leur enfant leur prescrive une TRN, mais rares sont les pédiatres qui le font [16].
Étant donné le taux de tabagisme élevé des Autochtones enceintes, et particulièrement des Inuites, la prescription de produits pharmacologiques aux femmes enceintes pour qui les conseils n’ont pas été efficaces peut comporter d’importants avantages comme stratégie visant à réduire les effets nuisibles du tabac [33][34].
Les dispensateurs de soins devraient connaître le programme des Services de santé non assurés. Ces prestations fédérales offertes aux populations inuites et des Premières nations admissibles (mais pas aux Métis) financent tous les produits pharmacologiques d’abandon du tabac [35].
Cependant, les fumeurs des Premières nations semblent moins utiliser les TRN que les autres fumeurs canadiens, même lorsqu’ils sont très motivés à arrêter, ce qui est probablement lié à la sous-utilisation des services médicaux et à une plus grande réticence à ingérer des médicaments. Ils utiliseraient ces produits davantage s’ils n’avaient pas besoin de la prescription d’un médecin et si des mesures étaient prises pour mieux les informer de leur efficacité [6].
Les dispensateurs de soins devraient s’informer des outils d’aide à l’abandon du tabac offerts aux fumeurs autochtones ou conçus pour eux, tels que les lignes téléphoniques, les groupes, le mentorat par les Aînés ou les pratiques spirituelles ou culturelles de guérison. Il ne faut pas présumer que tous les jeunes Autochtones souhaitent participer à un programme axé sur leurs traditions. Cependant, une approche globale, qui tient compte des facteurs psychosociaux et socio-économiques comme le chômage, le logement, la violence familiale, les autres dépendances, les troubles de santé mentale et les traumatismes antérieurs, sont plus susceptibles de réduire le tabagisme au sein de cette population [34]. Il est essentiel de dépister et de traiter conjointement les troubles comorbides de santé mentale, tels que la dépression, l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique.
Les taux d’abandon sont plus élevés chez les fumeurs autochtones qui se tournent vers des lignes téléphoniques d’aide à l’abandon du tabac que dans la population générale. Ces lignes téléphoniques présentent un bon rapport coût-efficacité et peuvent atteindre une forte proportion de fumeurs [6]. Un projet national est en cours pour les rendre accessibles dans toutes les provinces et tous les territoires, particulièrement auprès des fumeurs inuits et des Premières nations [36].
L’activité physique favorise la résilience chez les jeunes Autochtones [37]. Ainsi, leur participation à des sports organisés pourrait constituer un facteur de protection contre le tabagisme [6].
Lorsqu’ils abordent le tabagisme, les dispensateurs de soins qui travaillent auprès des peuples autochtones devraient connaître la méfiance historique de ceux-ci envers la médecine occidentale et les répercussions de la colonisation sur la santé et la guérison des maladies, et être sensibles à ces questions [6][38].
Les données sur l’efficacité des stratégies d’abandon du tabac dans les communautés autochtones sont limitées. Cependant, une évaluation pancanadienne de ces stratégies auprès des populations des Premières nations, inuites et métisses a révélé que les initiatives efficaces incluaient les éléments suivants : l’adaptation à la culture, l’orientation et la facilitation locales, la flexibilité, la réceptivité et l’approche holistique, la formation de facilitateurs, l’accent sur les activités, les connaissances et les valeurs traditionnelles, la prise en compte des modes de vie contemporains, la collaboration avec les systèmes et les ressources en place, un respect et une confiance marqués envers les individus et les groupes en cause et la création de partenariats [37][39].
Les Aînés des communautés autochtones représentent une ressource précieuse sur le plan de la culture, vers qui on se tourne trop peu. Les communautés pourraient envisager de faire appel à leur sagesse et à leur influence pour contribuer à réduire l’exposition au tabac [6].
Des mesures qui ciblent le tabagisme des camarades, qui dénormalisent le tabagisme et qui créent des environnements sans fumée favorables pour les jeunes peuvent accroître le taux de réussite des programmes de prévention et d’abandon du tabac auprès des jeunes fumeurs [10]. Les stratégies et les outils adaptés à la culture devraient être traduits dans la langue que les jeunes maîtrisent le mieux [14]. Cependant, ce qui convient à une communauté autochtone n’est peut-être pas adapté à la culture d’une autre. Our Ancestors Never Smoked (nos ancêtres ne fumaient pas), une compilation de réflexions d’Aînés inuits sur l’histoire particulière de ce peuple à l’égard du tabac, en est un exemple. Comparativement aux approches habituelles, il a été démontré qu’un programme de prévention du tabagisme adapté aux enfants autochtones de l’Alberta, qui intégrait la roue de médecine (symbole des aspects spirituel, mental, affectif et physique de la santé), réduisait considérablement l’intention de commencer à fumer [40].
Parmi les exemples de pratiques communautaires, soulignons les trousses destinées aux milieux scolaires et aux centres communautaires, les défis structurés d’abandon du tabac (p. ex., « J’arrête, j’y gagne »), les campagnes médiatiques et les programmes locaux ciblés pour réduire l’exposition à la fumée secondaire [37][41]. Des campagnes de communication massives en matière de santé, qui incluent les médias sociaux, émergent comme des moyens efficaces d’atteindre des auditoires ciblés comme les jeunes [42].
Les défis « J’arrête, j’y gagne » en milieu scolaire, conçus pour récompenser les élèves qui réussissent à arrêter et qui valident la décision de vivre sans tabac, ont été adoptés à grande échelle au Canada [37].
Les conseils sur l’abandon du tabac transmis par visioconférence, dans le cadre de programmes de télésanté, se sont révélés efficaces dans des régions rurales et éloignées de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest [36].
Même si les ravages du tabagisme sur la santé sont plus importants que les coûts et les conséquences cliniques de l’alcool, il n’y a pas d’âge minimal légal pour fumer au Canada. L’âge légal pour s’acheter des cigarettes est fixé à 18 ans en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et au Québec, et à 19 ans dans les autres provinces et dans les territoires. Les enfants et les adolescents canadiens commencent toutefois à fumer beaucoup plus tôt.
L’OMS et Santé Canada ont préconisé et obtenu l’adoption de lois pour garantir des environnements sans fumée (p. ex., interdiction de fumer dans les lieux publics intérieurs et extérieurs), l’uniformisation de l’âge légal pour consommer et acheter des produits du tabac, y compris la cigarette électronique, la pénalisation de la vente ou de la distribution de produits du tabac à des mineurs, l’élimination des ventes non supervisées (p. ex., par des distributrices automatiques ou des détaillants en ligne) ainsi que l’ajout de mises en garde sur les produits du tabac et l’interdiction des publicités et des commandites par les cigarettiers. Dans les régions où des pénalités sont prévues pour la vente ou la distribution de produits du tabac aux mineurs, il faudrait insister davantage pour les renforcer et les faire respecter afin qu’elles constituent des mesures dissuasives supplémentaires. La Société canadienne de pédiatrie prône l’interdiction de fumer dans les véhicules où prennent place des enfants de moins de 16 ans, mais bien des provinces et des territoires où les taux de tabagisme sont les plus élevés n’ont pas adopté de loi à cet effet [43].
La taxation est une stratégie efficace éprouvée de contrôle du tabagisme. Le taux de tabagisme est inversement proportionnel au coût, et les jeunes sont particulièrement sensibles aux augmentations du prix de la cigarette. Une telle augmentation est un important déterminant des comportements tabagiques des adolescents. Il est donc essentiel d’adopter des stratégies de contrôle du tabac qui empêchent d’accéder à des sources de tabac moins coûteuses, telles que les produits hors taxes ou de contrebande. Selon l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes de 2006–2007, les cigarettes de contrebande représentaient environ 17,5 % des toutes les cigarettes consommées quotidiennement par les adolescents au Canada, et plus de 25 % de celles consommées dans les provinces de l’Ontario et du Québec [21][44].
Jusqu’à présent, les grandes enquêtes nationales, comme l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada et l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes, ont exclu les régions les plus à risque du Canada, soit le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. Pour orienter les futures politiques axées sur les Autochtones, les études nationales doivent être conçues pour anticiper les problèmes et mettre en place des mécanismes qui garantiront une collecte appropriée des données dans les régions où l’on trouve la plus forte prévalence de fumeurs au pays.
Les approches participatives en communauté qui sont les plus efficaces intègrent des stratégies de prévention et d’abandon du tabagisme axées sur les réalités et les besoins locaux [42][45]. Un financement soutenu pour réaliser des recherches et mettre en place des programmes fondés sur des données probantes fait toutefois cruellement défaut.
Comparativement à l’ensemble de la population, la forte prévalence d’utilisation de tabac et de tabagisme chez les peuples autochtones demeure un important problème de santé publique, qui a des conséquences à long terme pour les nourrissons, les enfants, les adolescents et les femmes enceintes qui sont exposés à la fumée secondaire. Pour prévenir et réduire le tabagisme chez les enfants et les adolescents autochtones, il faut adopter des approches polyvalentes, axées sur la famille, adaptées à la culture, ancrées dans la communauté et soutenues par tous les ordres du gouvernement.
Les recommandations suivantes en vue de prévenir le tabagisme et de promouvoir l’abandon du tabac chez les enfants et les adolescents autochtones ont été préparées en collaboration avec un certain nombre de groupes autochtones et non autochtones du Canada. Elles reposent sur un consensus.
Le comité de la santé de l’adolescent, le comité de la pédiatrie communautaire et le comité de la pharmacologie et des substances dangereuses de la Société canadienne de pédiatrie ont révisé le présent document de principes.
Membres : Anna Banerji MD (membre sortante), Margaret Berry MD, Fraser-Roberts Leigh MD, Roxanne Goldade MD (représentantes du conseil), James Irvine MD (membre sortant), Radha Jetty MD (présidente), Keith Menard MD, Véronique Pelletier MD, Sam Wong MD (président sortant)
Représentants : Shaquita Bell MD, comité de la santé des enfants autochtones des États-Unis, American Academy of Pediatrics; Melanie Morningstar, Assemblée des Premières nations; Lisa Monkman MD, Association des médecins indigènes du Canada; Anna Clair Ryan, Inuit Tapiriit Kanatami; Eduardo Vides, Ralliement national des Métis; Patricia Wiebe, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada; Michelle Mazerolle, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada
Auteure principale: Radha Jetty MD
Avertissement : Les recommandations du présent document de principes ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes. Les adresses Internet sont à jour au moment de la publication.
Mise à jour : le 31 mai 2024